Avec la série “Chaos”, Michel Cleeren donne à voir le conflit perpétuel entre nature sauvage et tentatives humaines pour la construire à son image. Dans son travail, les “choses” se résument toujours à quelques signes qui rendent compte de la violence du choc, de résistances et de catastrophes naturelles en attente. Quelques arbres émergent du béton à intervalles réguliers, une rangée d’immeubles en devenir, une végétation rampante qui semble dé er une tour inachevée, une piscine envahie de résidus végétaux, des bâtiments aveugles qui attendent leurs occupants... Dans cette série, Michel Cleeren s’intéresse notamment à ces “villes nouvelles”, censées répondre aux attentes d’hypothétiques résidents, qui sombrent dans l’oubli, retournant lentement à l’état sauvage. C’est l’illustration maîtrisée du combat entre une nature lente mais déterminée, en lutte contre la spéculation, le désir immédiat, le mirage économique. Dans ces images, des lignes de forces s’entrecroisent, les diagonales végétales prennent possession des droites tracées par l’homme ; c’est le retour d’un désordre originel, d’une nature devenue rare mais toujours présente qui nous enseigne humilité, relativité et patience, tel le travail photographique de l’auteur. Ce travail s’inscrit tout naturellement dans le contexte historique de la photographie de paysage dont la fonction première était de “représenter ce qui est” à des fins documentaires ou d’inventaires pour ensuite évoluer vers une critique plus contemporaine de ces paysages transformés par l’action de l’homme.

 

Chris De Becker

Art Director - Gallerie Artitude, Bruxelles